Lors de nos formations sur l’éducation, la question revient constamment : Êtes-vous pour ou contre la fessée? Les participants attendent alors de notre part une réponse claire qui viendrait les justifier dans leur opinion ou dans leur préjugé. Mais nous avons réalisé qu’une telle réponse n’est pas d’une grande utilité, et que souvent elle élude les véritables enjeux de l’éducation des enfants.
En préambule, j’aimerais souligner que tous les enfants sont différents, que certains sont « faciles » (qu’est-ce que ça veut vraiment dire ?) et qu’il suffit d’un haussement de voix ou d’un froncement de sourcil pour les rappeler à l’ordre. D’autres ont un caractère plus trempé et, pour toutes sortes de raisons, peuvent présenter une opposition plus ou moins forte à nos consignes. Il peut alors être tentant d’utiliser la violence, qu’elle soit physique ou verbale, pour amener l’enfant à obtempérer, en usant de notre autorité pour le dominer et lui faire peur.
La plupart des études montrent que la discipline violente n’est pas la plus adéquate pour éduquer un enfant, et que les fruits à long terme peuvent être désastreux. Pourtant, certains parents désireux de bien faire, ne savent alors plus comment poser un cadre et se retrouvent dépassés par leurs rejetons, se sentant coupables au moindre écart de leur part. Une fessée occasionnelle, lorsque l’enfant dépasse les bornes, donnée non sous la colère et avec des explications, ne vaut-elle pas mieux que l’absence de limites et de repères, laissant l’enfant comme le parent désécurisés et en proie au pulsionnel ?
Nous n’allons pas approfondir le débat ici, même s’il mérite d’être abordé. Nous préférons d’abord poser les bases en amont. Avant d’aborder le moyen d’éduquer, nous voulons commencer par établir le fondement de la cohérence éducative et de la façon de poser un cadre clair et constant. Les enfants ont besoin d’un tel cadre qui leur offre sécurité et stabilité.
Beaucoup de parents disciplinent leurs enfants de manière impulsive et réactive. Prenons un exemple concret : Jean, trois ans, se comporte de manière bruyante et inappropriée. Papa a eu une bonne journée au travail, et il rentre à la maison d’excellente humeur. En voyant son fils se comporter ainsi, papa relativise et rigole, et il prend l’option de faire un jeu avec Jean. Le jour suivant, la journée de travail s’est très mal passée. Papa rentre irrité, fatigué et grognon. Jean se comporte de la même façon que le jour précédent, mais cette fois-ci il rencontre une réaction complètement différente : papa explose, tire les cheveux de son fils et l’envoie dans sa chambre. Même attitude de la part de Jean, mais deux réactions différentes…
L’exemple est familier dans la plupart des familles, en particulier avec des petits enfants. Nous sommes humains et notre état de fatigue et émotionnel intervient certainement dans notre manière d’éduquer. Pourtant, ne vaudrait-il pas la peine d’établir des règles claires, qui soient connues de l’enfant, qui lui soient expliquées, afin que celui-ci sache clairement où sont les limites et ce qui est attendu de lui ? Et dans la foulée de réfléchir en couple au genre de conséquences à appliquer si l’enfant dépasse ces limites ? Cela sortirait notre éducation du réactif et permettrait une cohérence et une constance. La conséquence se passe à chaque reprise, et non seulement quand nous ne supportons plus le mauvais comportement (ce qui varie en fonction de notre état). Cela donne une sécurité et une clarté à l’enfant comme aux parents – ce qui ne veut pas dire que la tâche soit facile… Claude Halmos le résume bien : « L’éducation, c’est : expliquer à l’enfant les règles. Mais aussi exiger qu’il les respecte. Et être capable de le sanctionner si, alors qu’il les connait, il les transgresse.1»
La cohérence, c’est aussi ne pas se mettre au-dessus de la loi en tant que parent. Si nous disons à notre enfant : « On ne mange pas au salon » et que nous mangeons au salon, si nous lui disons « On ne met pas les pieds sur la table », mais que nous les mettons… que communiquons-nous à nos enfants ? Il y a des règles, mais elles ne s’appliquent pas à tous ? Bien sûr, l’enfant doit comprendre que certaines règles peuvent changer, voire disparaître avec l’âge, mais il a besoin de nos explications.
Selon Germain et Martin Duclos, la transmission de valeurs se fait essentiellement de deux façons : par des règles de conduite et par l’exemple. « L’enfant est très sensible aux contradictions, surtout quand il a commencé à développer un jugement logique et critique qui lui permet de constater le manque de cohérence entre les paroles de l’adulte et son comportement. ... La cohérence entre valeurs prônées et comportements prend la forme d’un témoignage qui inspire sécurité et confiance.2 »
Alors oui, parlons des moyens d’éducation. La question posée par ces parents lors de nos formations sur l’éducation est très importante. Mais ne plaçons pas la charrue avant les bœufs. Comment éduquer, ce n’est pas seulement savoir si nous devons ou non donner une fessée. L’éducation commence par une cohérence dans notre quotidien, par une clarté vis-à-vis des attentes, des règles et des conséquences appropriées. Être parent est bien le métier le plus difficile au monde ; nous l’apprenons en lisant, en participant à des cours ou des séminaires, certes. Mais nous l’apprenons surtout en faisant des erreurs, en corrigeant le tir, en tâtonnant… Soyez renouvelés et encouragés dans cette noble tâche !
Notes
1 Claude HALMOS, L’autorité expliquée aux parents. Entretiens avec Hélène Mathieu, Ed. NiL, 2008, p. 29
2 Germain DUCLOS et Martin DUCLOS, Responsabiliser son enfant, Ed. CHU Sainte-Justine, 2005, p. 115