Chercher la direction de Dieu ensemble
Une des manières les plus négligées par lesquelles les adultes peuvent donner une direction à leur foyer est d’enseigner le discernement mutuel et la prise de décision consensuelle [...]
Dans beaucoup de situations, particulièrement dans la petite enfance, le discernement et la prise de décision appartiennent, par nécessité, aux parents. Mais, alors que les enfants grandissent, leur capacité à faire des choix dans des sphères appropriées doit être reconnu et encouragé. Plus les enfants sont inclus dans les prises de décision familiale, plus vous aurez une appartenance et une harmonie entre les membres de la famille.
Beaucoup de familles ont une sorte de processus de conseil familial. Dans certains foyers, on ne tient ces conseils que dans des situations de problèmes sérieux; dans d’autres foyers, les conseils de famille sont une institution hebdomadaire ou mensuelle, et ils ont lieu de toute façon, qu’il y ait un problème à gérer ou non. En général, l’objectif de telles rencontres est de poser sur la table les frustrations et de discuter les règles et le fonctionnement de la famille, de faire des suggestions créatives et de se mettre à niveau par rapport à ce que les autres membres de la famille ressentent ou pensent. Très souvent, certaines choses sortent dans de telles rencontres et peuvent être gérées avant qu’elles ne deviennent un problème majeur.
Une merveilleuse façon de développer la capacité familiale pour la coopération est de pratiquer la prise de décision consensuelle. Les Quakers ont une longue histoire de pratique de cette discipline collective de laquelle nous avons beaucoup à apprendre. Le consensus, c’est de ne prendre aucune décision jusqu’à ce que tous les membres soient arrivés à un plein accord dans leur propre conscience. Cette alternative à la pratique conventionnelle de la prise de décisions par votation à la majorité a des implications spirituelles sérieuses. Tout d’abord, elle présuppose la présence et l’action du St-Esprit au sein des membres rassemblés, et que cet Esprit a une volonté à communiquer à ceux qui l’écoutent. Ceux qui sont présent doivent alors mettre leurs propres désirs et présuppositions de côté afin de se mette à l’écoute de la volonté divine dans leur cœur. On fait confiance à « cette part de Dieu en chaque personne » pour révéler la lumière et les intuitions divines à tous ceux qui les cherchent avec une réelle ouverture, et le consensus atteint est pris comme une confirmation de la volonté de Dieu à cet égard.
Il ressort clairement de cette description que la pratique classique du consensus découle plus d’un processus de discernement spirituel que d’une prise de décisions au sens courant du terme. La décision appartient à Dieu, et nous ne sommes que des canaux par lesquels cette décision devient claire. Cette approche pour prendre des décisions dans un groupe nécessite, de toute évidence, plus de temps. Le fait de pouvoir discerner là où l’Esprit nous guide demande un espace de contemplation – un contexte et un temps qui permet une réflexion et une prière profonde, même au sein des activités quotidiennes.
Bien que prévue pour une communauté de foi plus large et demandant un niveau de maturité dans la foi raisonnablement mûr, comme on le trouve normalement chez les adultes, une telle pratique peut heureusement être adaptée à la vie de famille. Lorsqu’une décision importante doit être prise, les membres de la famille peuvent se retrouver en conseil afin de discuter les différentes options, lister les pour et les contre pour chaque alternative. Les pour et les contre impliquent autant les faits que les aspects émotionnels. Chaque personne prend alors du temps pour considérer ces différentes possibilités dans la prière. Pendant cette étape de discernement individuel, le premier effort est de lâcher nos préférences personnelles afin de pouvoir entendre ce que Dieu aimerait nous communiquer pour le bien commun de la famille.
La deuxième étape est de déterminer quels facteurs ont le plus de poids. L’option numéro une peut avoir cinq pour et deux contre, mais les contre ont des conséquence bien plus importantes que les pour ; l’option numéro deux peut avoir huit pour, mais la moitié d’entre eux peut sembler bien frivole en regard de notre appel chrétien. Cette étape du processus peut nécessiter plusieurs jours, voire plusieurs semaines, selon l’importance de la décision. La méditation des Ecritures et la prière en famille peuvent jouer un rôle crucial dans ce processus de discernement. Quand chacun se sent conduit vers un choix particulier, le conseil se réunit à nouveau pour entendre la réflexion de chacun de ses membres et vers quel choix il se porte. S’il n’y a pas de consensus qui émerge, on offre un espace d’informations supplémentaires et d’expression des sentiments, et le processus de discernement continue.
Bien entendu, une date butoir peut parfois déterminer quand une décision doit être prise. Même si le processus ne peut pas prendre toute sa dimension, un temps de discernement dans la prière en famille se révèle bénéfique. Dans ces situations, une méthode de prise de décision plus conventionnelle doit être combinée avec un temps de discernement plus bref, où les différences d’opinion sont réglées par le choix de la majorité. Dans de telles situations, cependant, il est important de reconnaître qu’une décision prise à la majorité est une solution de compromis et ne reflète pas nécessairement la sagesse du St-Esprit. Les impressions de la minorités doivent être reconnues et les différences acceptées comme telles.
De plus, un processus continu de discernement après la prise de décision teste le choix à la lumière des circonstances qui s’ensuivent. La décision prise se révèle-t-elle bénéfique sur la durée? Semble-t-elle toujours aussi juste à ceux qui l’ont prônée? Est-ce que ceux qui avaient une autre impression finissent par voir qu’ils avaient tort, ou est-ce que leur malaise s’accentue? Parfois, une famille sera amenée à revenir en arrière et à changer sa décision en fonction de ce processus de discernement continu.
Bien évidemment, beaucoup de décisions peuvent être prises (et elle le sont dans la plupart des cas) sans composantes de discernement spirituel. La famille peut se rassembler simplement pour discuter les alternatives, peser les avantages et les inconvénients et arriver à un accord sur la base d’une bonne écoute mutuelle et d’une bonne communication. Comment passer le week-end, où partir en vacances, comment gérer une querelle dans la famille – ce sont là d’habitude des sujets pour des conseils de famille simples. Les décisions plus importantes requièrent du discernement: un changement de profession ou d’études, l’acceptation ou le refus d’un nouveau poste de travail qui nécessiterait un déménagement, comment gérer de façon créative des voisins ou des amis problématiques... Certains sujets – par exemple, où donner les offrandes et les ressources de la famille – poseront plus de questions dans certaines familles que d’autres et, par conséquent, nécessiteront un discernement plus approfondi.
Les parents devront exercer leur discrétion quand aux questions qui seront traitées en discutant et celles qui requièrent un processus plus profond. Certains discernements sont appropriés pour l’ensemble de la famille alors que d’autres ne seront traités que par les parents, ou par les parents et les plus grands enfants. Cependant, ne sous-estimons pas la capacité des enfants plus jeunes. Si nous leur donnons l’occasion de réfléchir à des alternatives claires, peut-être d’entendre une histoire biblique appropriée, nous pouvons être réellement surpris des intuitions qu’ils peuvent avoir. Le discernement spirituel est un processus vital que tout enfant doit apprendre, cela va grandement les aider à prendre des décisions dans leur vie. Le fait de pouvoir le vivre dans un contexte familial leur enseigne que le discernement authentique est un processus collectif qui requiert une communauté de foi pour le confirmer.
Il est clair qu’un tel processus de discernement prend du temps – un temps ouvert et sans stress, favorisant la réflexion. Un discernement authentique implique un élément distinct de «lâcher» et de «repos». Le cœur de ce processus est de permettre au désir de Dieu de faire surface en nous et de s’imposer sur toutes les distractions typiques de nos journées. Une telle attitude de repos est tout à fait descriptive du sabbat. Pour exercer le discernement en famille, il nous faut des temps de sabbat – des temps mis à part des activités scolaires, sportives, professionnelles, des devoirs, des activités d’église... Le sabbat est un temps mis à part que l’on vide de notre propre importance et de nos propres préoccupations, un temps redonné à Dieu pour qu’il nous révèle ses desseins. –
Marjorie Thompson, « Family, the training center », pp. 114-117